BỘ GIÁO DỤC VÀ ĐÀO TẠO
TRƯỜNG ĐẠI HỌC SƯ PHẠM TP. HỒ CHÍ MINH
Trần Thiện Tánh
ENSEIGNEMENT DE L’OPPOSITION
PASSÉ COMPOSÉ vs IMPARFAIT
PAR UNE APPROCHE ASPECTUELLE
À TRAVERS LE RÉCIT
LUẬN VĂN THẠC SĨ GIÁO DỤC HỌC
Thành phố Hồ Chí Minh - 2014
BỘ GIÁO DỤC VÀ ĐÀO TẠO
TRƯỜNG ĐẠI HỌC SƯ PHẠM TP. HỒ CHÍ MINH
Trần Thiện Tánh
ENSEIGNEMENT DE L’OPPOSITION
PASSÉ COMPOSÉ vs IMPARFAIT
PAR UNE APPROCHE ASPECTUELLE
À TRAVERS LE RÉCIT
Chuyên ngành: Lí luận và phương pháp dạy học bộ môn Tiếng Pháp
Mã số: 60 14 01 11
LUẬN VĂN THẠC SĨ GIÁO DỤC HỌC
NGƯỜI HƯỚNG DẪN KHOA HỌC:
TS. NGUYỄN THỨC THÀNH TÍN
Thành phố Hồ Chí Minh - 2014
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce mémoire a été rendue possible grâce au concours de plusieurs
personnes à qui je voudrais témoigner toute ma reconnaissance.
Je voudrais tout d'abord adresser toute ma gratitude à mon directeur de recherche,
Monsieur Nguyễn Thức Thành Tín, pour sa patience, sa disponibilité et surtout ses
judicieux conseils, qui ont contribué à alimenter ma réflexion.
Je désire aussi remercier les professeurs qui m’ont dispensé des enseignements tout au
long de ce Master.
Je tiens à remercier spécialement Monsieur Huỳnh Thanh Triều, pour la direction de
mon premier mémoire et pour ses encouragements.
Un grand merci à Madame Nguyễn Thị Bình Minh et à Monsieur Nguyễn MinhThắng
qui m’ont beaucoup encouragé pendant la formation et qui m’ont suggéré l’axe de la
recherche.
Je voudrais aussi exprimer ma reconnaissance envers ma famille qui m’a apporté son
support moral et matériel tout au long de mes études.
Enfin, je tiens à témoigner toute ma gratitude à tous mes camarades de la Promotion
23 pour leur soutien.
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 3
CHAPITRE 1. THÉORIES DU TEMPS ET DE L’ASPECT .................................................... 5
CHAPITRE 2. LE PASSÉ COMPOSÉ ET L’IMPARFAIT.................................................... 29
CHAPITRE 3. VERS UNE APPROCHE ASPECTUELLE À TRAVERS LE RÉCIT .......... 45
CHAPITRE 4. PROPOSITION DIDACTIQUE ...................................................................... 57
CONCLUSION GÉNÉRALE .................................................................................................. 74
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 77
2
INTRODUCTION
L’Université de Đồng Tháp accueille chaque année des étudiants de tout le pays, en
particulier, ceux qui viennent du Delta du Mékong. La présence du français en tant que
langue vivante y est à regretter. Le français fait partie du programme universitaire mais
il se résigne à rester une matière facultative pour certains étudiants. Les cours de
français n’attirent chaque année qu’une soixantaine d’étudiants, répartis dans deux
classes qui, pour quelques années, ne trouvent pas suffisamment de public, à tel point
qu’elles tendent à être annulées. Mes étudiants sont, pour la plupart, ceux qui
choisissent l’anglais ou le chinois comme première langue vivante. Ils ont tous des
connaissances plus ou moins solides de l’anglais mais le français est pour eux une
langue complètement nouvelle.
Enseignant de FLE dans cet établissement depuis plusieurs années, je fais partie
cependant, avec une autre collègue, du corps professoral du groupe « Anglais »,
compte tenu de notre effectif modeste. Comme l’Université n’est plus membre de
l’AUF qui nous procurait auparavant des aides pédagogiques et documentaires, la
formation continue de l’enseignant n’est plus assurée et le perfectionnement du
français repose essentiellement sur l’effort individuel de chacun.
Dans un tel contexte, notre enseignement du français connaît beaucoup d’obstacles.
Hormis la surcharge du contenu qu’un volume horaire de 90 séances de 45 minutes
n’est pas en mesure d’assumer, je rencontre notamment des difficultés d’ordre
linguistique
et
didactique.
Certaines
connaissances
grammaticales
sont
particulièrement délicates à transmettre à l’apprenant. L’emploi des temps du passé du
français en est un exemple : l’utilisation du passé composé et de l’imparfait semble
plutôt aléatoire dans les productions de mes étudiants qui ont souvent beaucoup de mal
à saisir leurs différences.
3
Mes préoccupations didactiques se transforment rapidement en multiples réflexions
qui visent à rendre plus visible l’opposition entre le passé composé et l’imparfait en
vue d’une meilleure acquisition chez l’apprenant. Mon hypothèse est que ces deux
temps verbaux expriment tous le passé - leur valeur commune - mais qu’ils se
différencient sur d’autres plans tels que l’aspect et leur rôle respectif dans la mise en
perspective d’une séquence narrative. Ces différences s’avèrent pertinentes pour les
opposer. Elles constituent donc deux arguments forts de mon travail de recherche qui
s’intitule « Enseignement de l’opposition Passé composé vs Imparfait par une
approche aspectuelle à travers le récit ».
Mes questions de recherche sont les suivantes :
o En quoi consiste l’opposition entre passé composé et imparfait ?
o L’opposition aspectuelle serait-elle une solution pour distinguer passé
composé vs imparfait ?
o Quel rôle le récit joue-t-il dans la distinction passé composé vs imparfait ?
Mon travail de recherche s’organisera en trois grandes parties. La première partie
s’appuiera sur les travaux des auteurs tels que BENVENISTE, RIEGEL, WILMET,
MAINGUENEAU, GOSSELIN, etc. pour arriver à une synthèse des points de vue
relatifs aux concepts linguistiques indispensables afin d’aborder la problématique en
question : temps, aspect, énonciation, mise en perspective (ou mise en relief). Les
valeurs du passé composé et de l’imparfait seront ainsi analysées. La deuxième partie
proposera un détour de la didactique de la grammaire avant d’élaborer une approche
aspectuelle pour l’enseignement du passé composé et de l’imparfait à travers le récit –
l’approche qui sera traitée dans la dernière partie. Par ailleurs, il est aussi nécessaire, à
mes yeux, d’étudier la notion de récit pour en connaître les caractéristiques. Des
activités seront également proposées en fonction de la démarche précédemment émise.
J’espère que cette étude contribuera à mettre en lumière un certain nombre de faits
linguistiques qui paraissent encore obscurs pour des enseignants du FLE dont moi-
4
même, qu’elle suggère une démarche, parmi d’autres, afin de rendre l’emploi des
temps du passé du français plus accessible aux apprenants vietnamiens.
CHAPITRE 1. THÉORIES DU TEMPS ET DE L’ASPECT
I.
Le système des temps et des modes du français
Le système des temps et des modes est une spécificité de la langue française, à la
différence de la langue vietnamienne, par exemple, qui n’en dispose pas.
Nous nous intéressons d’abord au mode. Le terme « mode » est polysémique. Par
conséquent, il est nécessaire d’étudier les notions que recouvre ce vocable. Nous nous
appuyons sur les explications de DUBOIS 1, selon qui, le mode exprime trois
phénomènes :
-
Premièrement, le mode est utilisé pour désigner les types de phrase qu’utilise
souvent la grammaire traditionnelle. Il en compte trois :
• Le mode de l’assertion : qui apparaît dans les phrases assertives.
L’assertion peut être positive ou négative : Exemples : Nicolas
habite à Marseille (assertion positive). Ses parents n’habitent pas
là (assertion négative).
• Le mode de l’interrogation : qui apparaît dans les phrases
interrogatives. L’interrogation peut être positive ou négative.
Exemples : Qui a fait ce gâteau ? (interrogation positive). Est-ce
que Sophie ne l’a pas fait ? (interrogation négative).
• Le mode de l’ordre ou du souhait : qui apparaît dans les phrases
impératives ou optatives. Ce mode s’exprime essentiellement au
1
DUBOIS J. et al., 1994, éd. 2001, Dictionnaire de linguistique, Larousse-Bordas, Paris, p. 306
5
moyen de l’impératif ou du subjonctif. Exemples : Ouvre la
fenêtre ! Qu’ils arrêtent de crier !
-
Deuxièmement, le mode est l’engagement ou l’attitude de l’énonciateur vis-àvis du contenu de son énoncé. Le mode est soit assumé, soit nonassumé. L’assumé signifie un fait considéré comme réel, et le non-assumé un
fait jugé éventuel avec des niveaux de réalisation variables. Les temps de
l’indicatif servent à s’exprimer le mode assumé, tandis que ceux du subjonctif
ou du conditionnel s’utilisent pour exprimer le mode non-assumé.
Minh va à l’école.
(Phrase assumée, l’énonciateur est responsable de son énoncé).
Minh irait à l’école.
(Phrase non-assumée, l’énonciateur refuse d’être responsable de son
énoncé).
-
Troisièmement, le mode est un phénomène grammatical propre au verbe pour
exprimer les valeurs modales. On compte six modes dans la grammaire
traditionnelle (indicatif, subjonctif, conditionnel, impératif, infinitif et
participe).
Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéressons plutôt au mode en tant que
phénomène grammatical, c’est-à-dire la 3e acception.
Nous considérons que le mode est une des catégories de la sémantique verbale. La
grammaire traditionnelle distingue les modes personnels (indicatif, subjonctif,
conditionnel, impératif) et les modes impersonnels (infinitif, participe). Le système des
temps et des modes du français est organisé de la manière suivante : les temps verbaux
se classent de manière inégale dans les six modes (indicatif, subjonctif, impératif,
6
conditionnel, infinitif et participe) ; les temps verbaux se scindent en deux catégories
(les temps simples – sans recours aux auxiliaires dans la conjugaison – et les temps
composés – avec recours aux auxiliaires). C’est l’indicatif qui est le mode regroupant
le plus de temps verbaux (4 temps simples et 4 temps composés). Le tableau cidessous résume le système des temps et des modes du français :
Modes
Personnels
simples
Indicatif
Subjonctif Impératif
Présent
Présent
Imparfait
Imparfait
Présent
Impersonnels
Conditionnel
Présent
Infinitif Participe
Présent Présent
Passé simple
Temps
Futur simple
composés
Passé composé
Plus-que-parfait
Passé
Passé
Passé 1ère forme
Passé 2e forme
Passé
Passé
Plus-queparfait
Passé antérieur
Futur antérieur
Gustave Guillaume 1 est un des premiers linguistes qui l’étudie. Il part de la notion de
chronogenèse portant sur le temps, le mode et l’aspect, et de la relation entre ces trois
concepts. Cette notion décrit la formation rapide de l’image de temps chez un individu.
Elle se représente par ce schéma suivant :
1
GUILLAUME G., 1965, Temps et verbe. Théorie des aspects, des modes et des temps (134 pages) suivi de
L'architectonique du temps dans les langues classiques (66 pages), Paris, Honoré Champion.
7
TEMPS CHRONOGENETIQUE
F
Temps in esse
in fieri
M
temps
Temps in posse
I
Le temps chronogénétique et les profils successifs de l'image-temps
(GUILLAUME, 1965 : 9)
Le déroulement de chronogénèse est décrit par trois phases :
-
Au moment I, la chronogénèse commence à apparaître dans la pensée du
locuteur. C’est l’instant initial, appelé aussi temps in posse.
-
Au moment M (l’intervalle temporel entre I et F), la chronogenèse est en train
de former. C’est l’instant médian ou le temps in fieri.
-
Au moment F, l’opération de chronogénèse finit. L’image-temps devient plus
claire par rapport aux deux phases précédentes. L’auteur appelle cet instant
temps in esse.
En s’appuyant sur sa théorie, GUILLAUME crée un lien entre le temps, le mode et
l’aspect qui, selon lui, sont en réalité un seul phénomène mais considéré dans des
moments différents. Ces trois phases correspondent en effet à des moments de
réalisation de l’image verbale :
-
L’aspect se représente par la réalisation d’une image verbale au temps in posse.
-
Le mode se représente par la réalisation d’une image verbale au temps in fieri.
-
Le temps se représente par la réalisation d’une image verbale au temps in esse.
8
Cependant, dans la langue française, seuls le temps et le mode peuvent être manifestés
dans la flexion du verbe, l’aspect n’ayant pas de marques flexionnelles propres.
II.
Le temps
Le terme « temps » est polysémique et sème donc de la confusion dans l’appréhension
des concepts concernés. Selon DUBOIS 1, le temps peut renvoyer à deux phénomènes
suivants :
-
Le temps physique ou référentiel : c’est le continuum qui procède du
déroulement et de la succession des existences, des états et des actions. C’est le
temps réel, le temps cosmique, le temps universel. Il reflète la réalité hors de la
pensée de l’homme.
-
Temps linguistique ou temps grammatical (pour reprendre le terme de
DUBOIS). C’est une catégorie grammaticale généralement associée au verbe
et qui traduit diverses catégorisations du temps « réel » ou «naturel ». Plus
fréquemment, c’est la catégorisation qui oppose le présent, moment de l’énoncé
produit (ou « maintenant ») au non-présent, ce dernier pouvant être le passé,
avant le moment de l’énoncé (« avant maintenant »), et le futur, après le
moment de l’énoncé (« après maintenant ») : Ce sont les temps absolus.
Chaque linguiste a sa propre dénomination pour le temps linguistique. Si DUBOIS
emploi l’adjectif « grammatical » pour désigner la catégorie de temps linguistique,
DAMOURETTE et PICHON 2 appelle « tiroir temporel » alors qu’IMBS 3 utilise le
terme « temps morphologique ». Mais il existe aussi plusieurs autres définitions du
1
DUBOIS J. et al., 1994, éd. 2001, Dictionnaire de linguistique, Larousse-Bordas, Paris, p. 478.
DAMOURETTE J. et PICHON E., 1936, Des mots à la pensée. Essai de grammaire de la langue française
1911 – 1936, tome V, Paris, éd. d’Artrey, 861 pages.
3
IMBS P., 1968, 1ère éd. 1960, L’emploi des temps verbaux en français moderne. Essai de grammaire
descriptive, Paris, Klincksieck, p. 2.
2
9
temps linguistique. CHARAUDEAU 1, dans sa « Grammaire du sens et de
l’expression », remarque qu’à côté d’une donnée de l’expérience, le temps est aussi le
résultat d’une construction-représentation du monde, à travers le langage. Le temps
linguistique pour lui désigne une construction-représentation qui structure
l’expérience du continuum temporel, dans le même instant qu’il l’exprime et qui
s’organise autour d’une référence unique : la situation du sujet parlant au moment où
il parle 2. GALICHET 3 met l’accent sur le temps exprimé par les formes verbales. Pour
lui, la catégorie verbale ne vise à exprimer ni le temps physique, ni la durée
psychologique. Elle consiste simplement à situer le procès par rapport à certains
points choisis. C’est en somme une catégorie de la succession : elle marque
l’antériorité, la contemporanéité ou la postériorité par rapport à une origine
convenue. WILMET 4, quant à lui, affine le concept « temps linguistique ». D’abord, le
temps linguistique apparaît dans les termes contenant l’idée temporelle. Ces termes
peuvent venir des noms (soir, année, …), des adjectifs (récent, passé, prochain, …),
des adverbes (actuellement, longtemps, …). Ensuite, c’est le temps verbal qui exprime
la catégorie temporelle exprimée particulièrement à travers le verbe. Pour le linguiste,
le temps verbal traduit la relation chronologique entre un événement et un repère
choisi, ce dernier détermine si un fait est antérieur, simultané ou postérieur 5.
1. Le point de vue d’IMBS
Dans son ouvrage de L’emploi des temps verbaux en français moderne. Essai de
grammaire descriptive 6, IMBS considère que les temps verbaux en français traduisent
à la fois des valeurs temporelles et aspectuelles. Le temps signifie en même temps les
formes verbales et les valeurs de ces formes. Il propose deux façons de localiser
1
CHARAUDEAU P., 1992, Grammaire du sens et de l’expression, Hachette, Paris, p. 446.
CHARAUDEAU P., 1992, Grammaire du sens et de l’expression, Hachette, Paris, p. 447.
3
GALICHET G., 1973, Grammaire structurale du français moderne, 5e éd., Hatier, Paris, p. 94.
4
WILMET M., 1997, éd. 2003, Grammaire critique du français, 3e éd., Duculot, Belgique, pp. 314-316.
5
D’après WILMET (1997, cité dans l’édition 2003, p. 284), le verbe rapporte un procès à un repère (R) fixé en
un point quelconque du temps cosmique. Trois possibilités : 1o procès concomitant à R, 2o procès antérieur à R,
3o procès postérieur à R.
6
IMBS P., 1968, L’emploi des temps verbaux en français moderne. Essai de grammaire descriptive, Librairie C.
Klincksieck, Paris, 269 pages.
2
10
temporellement un événement : d’une part, il s’agit de la localisation dans le temps
indivis où le temps est perçu comme sans distinction de passé, d’actuel ou de futur.
C’est l’omnitemporel. D’autre part, c’est la localisation dans le temps divisé en
époque, où il y a le passé, le présent et l’avenir. Ces trois bases, en étroite relation
entre elles, se définissent l’un par l’autre.
Pour cette seconde localisation, IMBS instaure deux systèmes temporels :
-
Le système primaire : Il s’agit du temps réel ou absolu qui prend le moment
d’énonciation comme le repère pour déterminer le passé ou le futur.
-
Les systèmes secondaires : il s’agit des temps fictifs ou relatifs, soit au passé,
soit au futur. Ces deux temps-là fonctionnent comme point de référentiel des
situations des procès.
Exemples :
(a) Nicolas joue au ballon. Il a fini son travail. Il sortira ce soir.
(b) Il m’a répondu qu’il avait joué au ballon et qu’il sortirait ce soir.
(c) Il me dira qu’il aura fini son travail et qu’il sortira ce soir.
L’exemple (a) renvoie au système primaire. Le fait de jouer est en train de se passer au
moment d’énonciation, localisé au présent. Les deux autres faits sont respectivement
au passé (finir) et au futur (sortir).
L’exemple (b) et (c) renvoient aux systèmes secondaires. Le moment d’énonciation est
déplacé respectivement au passé (répondre) et au futur (dire). L’antérieur du passé
s’exprime par le plus-que-parfait, tandis que l’ultérieur du passé est décrit par le futur
dans le passé. De même, l’antérieur du futur se manifeste par le futur antérieur alors
que l’ultérieur du futur n’a pas de forme propre et recourt donc au futur simple.
11
L’auteur résume la localisation temporelle comme suit :
Antérieur
du passé
Antérieur
du futur
Passé
Présent
Ultérieur
du passé
Futur
Ultérieur
du futur
Le système des temps par IMBS (1968 : 14)
Le système de temps proposé par IMBS sera développé plus tard par GOSSELIN qui
désigne le temps absolu pour le système primaire et le temps relatif pour les systèmes
secondaires :
Le temps (la localisation temporelle) peut être absolu ou relatif. Il est absolu
lorsque le procès (état, activité…) est situé par rapport au moment de
l’énonciation (comme présent, passé ou futur) ; il est relatif quand le procès est
situé par rapport à un autre procès (comme antérieur, simultané ou ultérieur)
GOSSELIN (1996 : 9)
Le temps absolu ou relatif dépend du choix de repère. La différence est que
GOSSELIN remplace les moments par un système de quatre intervalles, afin
d’expliciter à la fois le phénomène du temps et de l’aspect. Son point de vue sera traité
dans les parties qui suivent.
12
2. Le point de vue de BENVENISTE
BENVENISTE étudie le temps sous le prisme de l’énonciation. L’auteur distingue
deux types d’énonciation :
Les temps d’un verbe français ne s’emploient pas comme les membres d’un
système
unique,
ils
se
distribuent
en
deux
systèmes
distincts
et
complémentaires. Chacun d’eux ne comprend qu’une partie des temps du
verbe ; tous les deux sont en usage concurrent et demeurent disponibles pour
chaque locuteur. Ces deux systèmes manifestent deux plans d’énonciation
différents, que nous distinguerons comme celui de l’histoire et celui du
discours.
BENVENISTE (1966 : 238)
La première catégorie - énonciation historique - considère comme si les événements se
racontaient eux-mêmes, l’énonciateur s’y efface complètement. Ce type d’énonciation
utilise la troisième personne. Sur le plan temporel, l’énonciation historique se sert de
l’aoriste, du passé simple, de l’imparfait, du plus-que-parfait et du conditionnel. En
sont exclus le présent, le parfait (i.e. le passé composé) et le futur.
Pour l’énonciation du discours, BEVENISTE le définit comme « toute énonciation
supposant un locuteur et un auditeur, et chez le premier l'intention d'influencer l'autre
de quelque manière » 1. Ce type comprend l’écrit et l’oral et accepte toutes les
personnes, tous les temps verbaux sauf l’aoriste (i.e. le passé simple).
1
BENVENISTE E., 1966, Problèmes de linguistique générale 1, coll. TEL, Gallimard, France, p. 242.
13
La théorie énonciative des temps verbaux de BENVENISTE se résume dans le tableau
ci-dessous :
Énonciation historique
Énonciation du discours
Temps admis
aoriste
imparfait
plus-que-parfait
prospectif
tous les temps sauf l’aoriste
Temps exclus
présent
parfait
futur
aoriste
Personnes
3e personne
toutes les personnes
Embrayeur
relatif
absolu
Registre
écrit
écrit et parlé
3. Le point de vue de WEINRICH
WEINRICH écrit dans sa Grammaire textuelle du français 1 (1989) le système de
temps français qui peut être divisé en deux niveaux, formel et sémantique. Au niveau
formel, il adopte le point de vue traditionnel qui consiste dans les temps simples et les
temps composés.
Au niveau sémantique, le temps comporte trois dimensions sur lesquelles s’opèrent les
oppositions :
-
La perspective temporelle : il s’agit de l’opposition entre le rétrospectif et le
prospectif. Deux composantes font la distinction : l’un est le temps du texte,
moment où les signes linguistiques sont formulés par l’énonciateur et reçus par
un auditeur ; l’autre est le temps de l’actance, moment de l’action associé à une
1
WEINRICH H., 1989, Grammaire textuelle du français, Didier / Hatier, Paris, 672 pages.
14
date, une durée et des moyens syntaxiques. Quand le temps du texte et le temps
de l’actance ne se différencient pas, c’est la perspective neutralisée ou zéro. Si
le temps du texte est antérieur au temps de l’actance, c’est la perspective
rétrospective, dans le cas contraire, c’est la perspective prospective.
-
Le registre temporel : il s’agit de l’opposition entre le commentaire et le récit.
Les temps du commentaire transmettent à l’auditeur les pensées, les attitudes du
locuteur, tandis que les temps du récit servent à narrer.
-
Le relief temporel : il s’agit de l’opposition entre le premier plan et l’arrièreplan. Les temps du premier plan mettent en valeur les actions principales, alors
que les temps de l’arrière-plan décrivent les actions secondaires considérées
comme le cadre dans lequel se déroulent les actions principales.
La sémantique du temps proposée par WEINRICH peut être schématisée comme cidessous :
TEMPS
au niveau
SÉMANTIQUE
Perspective
temporelle
Perspective
neutre (zéro)
Registre
temporel
Perspective
différencié
Rétrospective
Relief
temporel
Récit
Commentaire
Arrière-plan
Premier plan
Prospective
La sémantique du temps selon WEINRICH
4. Le point de vue de MAINGUENEAU
Selon MAINGUENEAU, les temps d’un texte peuvent être localisés à travers deux
plans : le plan d’énonciation et le plan de relief temporel.
15
Le plan d’énonciation de l’auteur partage le point de vue de BENVENISTE sur
l’opposition entre l’énonciation historique et l’énonciation du discours (qu’il appelle
respectivement « récit » et « discours ») ainsi que celui de WEINRICH sur le registre
temporel (commentaire vs récit) et le relief temporel (premier plan vs arrière-plan). À
côté d’une terminologie légèrement différente, MAINGUENEAU justifie l’opposition
récit vs discours par l’usage de l’embrayage. Tandis que le récit en fait abstraction, le
discours se caractérise par sa présence sur sa situation d’énonciation :
Relève du « discours » toute énonciation écrite ou orale qui est rapportée à son
instance d’énonciation (JE-TU/ICI/MAINTENANT), autrement dit qui
implique un embrayage1. Le « récit », en revanche, correspond à un mode
d’énonciation narrative qui se donne comme dissociée de la situation
d’énonciation ».
MAINGUENEAU (1993 : 35)
De plus, si le discours accepte divers types d’énonciation dont le dialogue, le récit, en
revanche, rejette ce dernier et adopte seulement la forme assertive. Sur le plan des
temps verbaux, le discours privilégie le présent comme temps de base. Le passé
composé et l’imparfait servent à exprimer le passé ; le futur simple ou la structure aller
+ infinitif pour la prospective. Pour le récit, le passé simple et l’imparfait sont des
temps verbaux principaux.
16
L’auteur reproduit les différences du discours et du récit par le tableau suivant :
Discours
Récit
Passé simple
Passé composé / Imparfait
/ Imparfait
Présent
Futur simple / Futur périphrastique
(Prospectif)
Oral ou écrit
Ecrit
Usage non spécifié
Usage narratif
Embrayeurs
Absence d’embrayeurs
Modalisation « zéro »
Modalisation
(= assertion)
Système d’énonciation par MAINGUENEAU (1993 : 37)
L’auteur estime également que ces deux plans ne s’excluent pas mais ils se complètent
mutuellement. L’imparfait existe à la fois dans le récit et le discours. Le passé
composé appartient au discours et le passé simple est pour le récit. L’auteur considère
que le passé composé revêt, sur le plan temporel, la valeur de passé et sur le plan
aspectuel, la valeur de perfectif.
Quant au plan du relief temporel, MAINGUENEAU partage le point de vue de
WEINRICH :
17
(…) dans la narration, il s’agit de distinguer deux niveaux : d’une part, les
événements qui font progresser l’action, représentés par les formes au passé
simple, de l’autre, à l’imparfait, le niveau des procès posés comme extérieurs à
la dynamique narrative.
MAINGUENEAU (1993 : 57)
Bref, le système du récit est marqué par le fait que l’énonciateur n’intervient pas dans
l’énoncé et que celui-ci ne s’adresse pas à un destinataire en particulier. En voulant
simplement rapporter des événements, il s’abstient de sa subjectivité et de la situation
d’énonciation. Les faits sont donc racontés d’eux-mêmes. À l’inverse, le discours qui
s’adresse à un destinataire précis, dispose par conséquent des situations d’énonciation
et des traits subjectifs de l’énonciateur.
III.
L’aspect
L’enseignement/apprentissage des temps et des modes fait passer souvent l’aspect au
second plan, au profit des valeurs temporelles. À nos yeux, cela pourrait être un
handicap pour une bonne utilisation des temps verbaux chez les apprenants.
Selon WILMET 1, le concept de l’aspect a été évoqué pour la première fois par
BEAUZÉE dans son ouvrage Grammaire générale publié en 1767. Cependant, le
concept n’était pas appelé tel quel mais ses valeurs sont désignées par les termes
présent, prétérit et futur. Plus tard, DUBOIS décrit, dans son Dictionnaire de
linguistique, que le terme d’aspect a d’abord été employé en français (1829) pour
désigner un caractère important de la conjugaison des verbes russes et d’autres
langues slaves : la distinction entre perfectif et imperfectif 2. D’après WILMET 3, en
1908, l’aspectologie – étude de l’aspect – a constitué le domaine de recherche
1
WILMET M., 2003, Grammaire critique du français, 3e éd., Duculot, Belgique, p. 329.
DUBOIS J. et al., 1994, éd. 2001, Dictionnaire de linguistique, Larousse-Bordas, Paris, p. 53.
3
WILMET M., 2003, Grammaire critique du français, 3e éd., Duculot, Belgique, p. 329.
2
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